Petit-déjeuner du 6 mars 2012 : « Règlement REACH sur la sécurité des produits chimiques »

article PdJ le 29 mars 2012 1 Commentaire

Par Catherine-Antoinette Raimbault, ARM, Vice-Présidente du CARM 

D’après l’intervention de Jean-Paul FORT, Consultant en risques d’entreprise, JPF Conseil et de
François HARROUET, Avocat au Barreau de Paris, Cabinet Winston & Strawn

Petit-déjeuner du CARM du 6 mars 2012

Pourquoi et comment les utilisateurs de produits chimiques doivent-ils s’y préparer ?

Deux réglementations communautaires visent à encadrer les substances chimiques européennes. Le règlement REACH (CE no 1907/2006) adopté fin 2006 et entré en vigueur le 1er juin 2007. Il a été complété par le règlement CLP (CE no 1272/2008) en application depuis janvier 2009 pour la classification, l’étiquetage et l’emballage des produits chimiques (CLP, Classification, Labelling and Packaging).

REACH, acronyme pour Registration, Evaluation and Authorization of Chemicals, est le dispositif mis en place pour mieux connaître les produits chimiques utilisés et produits en Europe, avec pour premier objectif de protéger la santé humaine et l’environnement en éliminant les substances dangereuses, assurant ainsi la libre circulation des substances en sécurité dans le marché communautaire, et devenant un vecteur de compétitivité et d’ innovation.

REACH a renversé la charge de la preuve en ce sens qu’il impose aux producteurs et importateurs l’obligation de démontrer que leurs produits ne sont pas nocifs et de fournir des données sur leurs substances et leurs utilisations, en instaurant une procédure d’enregistrement et d’évaluation de chaque substance auprès de l’agence européenne des produits chimiques, ECHA (European Chemicals Agency) basée à Helsinki, un nouvel étiquetage et de nouvelles fiches de données de sécurité (FDS).

Quelques 30 000 substances sur les 100 000 fabriquées ou importées en Europe devront être enregistrées auprès de l’ECHA.

Le calendrier d’application aligne 4 grandes étapes et un échéancier de juin 2008 à juin 2018 en fonction du tonnage et de la dangerosité des substances : inventaire et pré-enregistrement, enregistrement, évaluation et autorisation. L’étape importante d’enregistrement de 2010 a répertorié les substances produites ou importées à plus de 1 000 tonnes par an, les substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques 1 et 2 (CMR) > 1 tonne par an, et les substances très toxiques (R50/53) pour les organismes aquatiques > 100 tonnes par an. La prochaine échéance du 31 mai 2013 porte sur les substances produites ou importées à plus de 100 tonnes par an.

Compte tenu de l’omniprésence des substances chimiques tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, producteurs, importateurs et utilisateurs sont concernés. A l’instar des grands producteurs qui ont bien intégré REACH et CLP, le problème se pose plus en effet pour les utilisateurs aval et les petits producteurs qui ne sont pas nécessairement au fait de toutes leurs obligations ni des risques et des sanctions qu’ils peuvent encourir. Quant au distributeur qui ne fait que mettre à disposition des marchandises, il a le devoir de transmettre les informations en amont et en aval de la supply chain.

Utilisateur aval

Parmi les utilisateurs aval on retrouve les formulateurs de peinture, d’encres, cosmétiques, additifs industriels etc, puis les utilisateurs industriels et professionnels et les fabricants d’articles.

L’utilisateur aval est une personne physique ou morale autre que le fabricant ou l’importateur qui utilise une substance chimique dans l’exercice de son activité. Ces substances peuvent être utilisées telles quelles, dans des préparations, ou dans des objets en tant qu »articles ». Au regard de REACH l’utilisateur aval se doit d’en réaliser un inventaire dans l’ensemble de ses sites et de vérifier si ces substances ont bien été enregistrées par le fournisseur en amont. Il doit en outre identifier les substances critiques qui sont soumises à enregistrement et celles soumises à autorisation pour les substances très préoccupantes (SVHC, substances of very high concern) ; parmi celles-ci on retrouve les CMRs 1&2 (carcinogens, mutagens and reproductive toxins), PBTs (persistent, biaccumulative and toxic substances), vPvBs (very persistent and very bioaccumulative substances).

L’utilisateur aval se doit de déclarer les utilisations de ces substances à ses fournisseurs et de vérifier qu’elles sont bien couvertes afin d’éviter toute rupture d’approvisionnement ; il doit également faire remonter au fournisseur les usages non couverts de ses clients professionnels. Le fournisseur évaluera les risques correspondants et déterminera les mesures de prévention associées aux usages qu’il décide de couvrir. L’utilisateur aval devra suivre ces recommandations indiquées dans la fiche de données de sécurité et les scénarii d’exposition et utiliser ces substances en respectant les conditions d’autorisation et de restriction.

Ce devoir d’information au titre de REACH passe par une communication tout au long de la chaîne fournisseurs/clients ; la fiche de données de sécurité (FDS) sera le premier outil de communication et comportera les données et les risques des substances, et les mesures de gestion de risques adaptées aux différents usages. Ces informations devront être en cohérence avec celles du rapport sur la sécurité chimique (CSR, chemical safety report).

Formulateur de mélanges – REACH lui impose d’établir les scénarii d’exposition (SE) et les fiches de données de sécurité pour leur formulation et leur propre utilisation. Il peut en effet se trouver à créer une substance nouvelle et dans ce cas se retrouve sous le statut de fabricant.

Producteur d’articles – Outre l’enregistrement et la notification à l’ECHA sous certaines conditions, il doit pour des articles contenant une concentration de plus de 0,1% (masse/masse) de SVHC communiquer à ses clients (utilisateur aval et distributeur) des informations pour leur permettre une utilisation en toute sécurité. Il en fera de même sur demande des consommateurs.

Obligations complémentaires avec le règlement CLP – Tout comme pour les fabricants et importateurs, le règlement CLP s’applique aux utilisateurs aval notamment les formulateurs de mélanges, les re-conditionneurs et ré-importateurs.

Quels sont les risques REACH et comment les maîtriser ?

Trois cas de figures peuvent se présenter.

Non enregistrement de la substance – dans ce cas il est impératif de contacter le fournisseur pour en connaître la raison. S’il s’avère qu’il y a en effet carence du fournisseur, il faudra cesser tout approvisionnement et chercher des solutions alternatives. Toute rupture d’approvisionnement aura des conséquences en cascade en termes commercial, financier …, avec des incidences sur le plan contractuel et une responsabilité contractuelle mise en jeu. L’impact sera d’autant plus sévère s’il y a poursuite illicite de l’approvisionnement avec entre autre des sanctions prévues par le code de l’environnement.

Absence d’identification de certains usages – Si certains usages ne sont pas couverts par son fournisseur et pour éviter la solution drastique et immédiate qui est de renoncer à cette utilisation, l’utilisateur dispose d’une marge de manœuvre de 12 mois maximum pour effectuer des changements. Il peut conserver cet usage soit en informant le fournisseur dans le but d’obtenir un scénario d’exposition ou en modifiant les conditions d’utilisation au scénario d’exposition, soit il cherche un nouveau fournisseur pour cet usage, soit il réalise lui-même l’évaluation sur la sécurité chimique.

Substance soumise à autorisation ou à restriction d’usage – Les industriels ont intérêt à identifier toute substance risquant d’être soumise à ces obligations ou tout simplement de disparaître, et anticiper les solutions de remplacement avec une étude de risques le plus en amont possible.

Pour intégrer ce processus de mise en conformité il convient de mettre en place une démarche de gestion active de la supply chain. Pour traverser ces étapes très contraignantes et complexes pour les entreprises et pour faire face à des procédures coûteuses qui pénalisent les PMEs une mutualisation des moyens a été rendu possible par la création de FIES, forums d’échange d’informations sur les substances (SIEF, substance exchange information forum) : ce qui implique partage des données et des études, réduction de tests sur les animaux, accords de confidentialité.

Evolution du règlement

REACH a mis en évidence le besoin de renforcer une coopération internationale. Il conviendra par conséquent de suivre les évolutions respectives des règlements mis en œuvre dans certains pays sous l’influence de REACH, notamment aux Etats-Unis (TSCA), en Chine (China REACH).

La Commission Européenne s’apprête à des travaux de révision de REACH par un bilan prévu en 2012 pour entre autre évaluer son champ d’application. On peut d’ores et déjà citer certains des défis futurs de REACH que sont le nouveau règlement sur les biocides applicable en septembre 2013, et l’adaptation du règlement aux problématiques des nanoparticules.

En somme REACH a mis en avant une démarche dynamique et transversale de gestion de risque en établissement un schéma de cycle de vie d’une substance. A cela il faut retenir la règle du ‘no data, no market’ posé par le règlement.

Pour aller plus loin, vous pouvez télécharger ici la présentation du 6 mars 2012

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Une réponse à l'article “Petit-déjeuner du 6 mars 2012 : « Règlement REACH sur la sécurité des produits chimiques »”

  1. Merci pour pour toutes ces informations sur le REACH !
    Cdt,
    Julien

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