Petit-déjeuner du 7 décembre 2011 : « Comment réduire le risque sismique ? »

article PdJ le 9 mars 2012 Aucun Commentaire

Par Catherine-Antoinette Raimbault, ARM, Vice-Présidente du CARM 

D’après l’intervention de Pierre-Eric Thevenin, Responsable National projets béton, construction parasismique et Thierry Vassail, Responsable du Développement du projet EVE, évaluation de la vulnérabilité des existants, BUREAU VERITAS, 

Petit-déjeuner du CARM du 7 décembre 2011.

L’actualité malheureusement riche ces derniers temps en séismes meurtriers nous rappelle d’une façon récurrente et brutale que la nature a toujours raison. Par conséquent on est en droit de se poser crûment la question de la préparation de nos structures qu’elles soient nucléaires ou autres face à un séisme et à ses réactions en chaîne.

De façon paradoxale, on peut dire que les règles parasismiques en vigueur se révèlent efficaces, mais que le séisme n’est jamais celui auquel on s’attend. Pour rappel le très violent séisme du 11 mars 2011 au Japon d’une magnitude 9 n’a engendré que peu de dégâts et de victimes, ce sont les réactions en chaîne qui ont provoqué la catastrophe qui s’en suivit. En 2010, le séisme du Chili de magnitude de 8,8 fut extrêmement puissant ; celui de Haiti, de magnitude plus faible de 7, provoqua des dégâts très importants et fut très meurtrier.

D’où vient un séisme ? Un séisme trouve son origine dans la tectonique des plaques. 

La tectonique des plaques reflète en surface les mouvements de convection dans le manteau terrestre.

Ces mouvements poussent ou écartent ces plaques plus ou moins rigides, produisant ainsi une déformation des plaques lithosphériques, la lithosphère étant la couche externe de la terre dans laquelle se déplacent ces plaques ; et ces contraintes provoquent des cassures à partir desquelles se propagent des ondes.

Les séismes de magnitudes les plus élevées, appelés séismes de subduction, se produisent dans ces zones de subduction qui correspondent aux zones les plus actives de la planète.

Caractérisation des séismes. Deux paramètres pour évaluer la puissance d’un tremblement de terre : la magnitude et l’intensité macrosismique.

– La magnitude, définie par Richter en 1935, sert à mesurer la puissance d’un tremblement de terre.

Quand on parle de magnitude, on parle d’une grandeur absolue, la magnitude représentant l’énergie dégagée sous forme d’ondes sismiques. Cette énergie au Chili était 1000 fois plus importante que celle d’Haïti.

L’énergie est multipliée par 30 quand la magnitude croit de 1. Selon la table d’occurrence des séismes la fréquence moyenne d’un séisme de magnitude 5 serait de 1000 par an, pour une magnitude 7 on en dénombre 10 par an, un séisme de magnitude 8 une fois par an.

Pour le séisme de faible profondeur à Haïti, l’énergie s’est retrouvée dans les ouvrages engendrant des dégâts considérables. Un séisme très profond comme celui de la Martinique en 2007 a fait bouger l’île, mais pas les bâtiments. Pour déterminer l’effet sur les ouvrages la magnitude ne suffit pas.

– L’intensité macrosismique va mesurer les effets et les dommages lors du séisme ; elle est donc attachée à un lieu contrairement à la magnitude qui est indépendante du lieu d’observation. L’épicentre macrosismique représente le centre de la zone qui a subi la plus forte intensité; l’épicentre étant la projection en surface du lieu de la cassure. Pour cette mesure on utilise une échelle macrosismique (comme EMS 98) qui comporte

12 degrés notés de I (imperceptible) à XII (catastrophe généralisée).

Peut-on prévoir les séismes ? Il n’existe aucune méthode fiable de prévision, on connait seulement le potentiel sismique d’une zone.

Qu’en est-il de l’aléa sismique en France ?

Une grande étude dans les années 80 a permis de recenser les grands séismes en France. On cite comme séisme de référence celui de Lambesc (Aix-en-Provence) de magnitude 6,2 et d’intensité XIII-IX, qui a fait 46 morts en juin 1909. Une simulation faite en 1982 du même séisme dénombrait un nombre beaucoup plus important de victimes jusqu’à 900 morts (1% de la population) avec un coût jusqu’à 6 fois le budget annuel de la région PACA.

La réglementation parasismique en FranceLe risque sismique est un domaine réglementé.

Une nouvelle carte de zonage qui divise le territoire français en cinq zones de sismicité est applicable depuis le 1er mai 2011 (Décret 2010 1255 du 22 octobre 2010) ; c’est le Code de l’Environnement qui dicte que l’on doit prendre en compte le risque sismique. De nouvelles zones sont désormais soumises aux règles parasismiques.

Selon l’arrêté du 22 octobre 2010, Les règles PS (EC8) sont applicables pour toute construction neuve :

– tous les bâtiments de la catégorie II dans les zones 3, 4, 5 – possibilité d’application des règles PSMI pour zones 3 et 4) et CPMI pour la zone 5.

– tous les bâtiments de la catégorie III et IV dans les zones 2, 3, 4, 5 – possibilité d’application des règles PSMI en zone 2 pour les écoles.

Les travaux sur les bâtiments existants sont plus problématiques, mais il est exigé qu’ils ne doivent pas aggraver la vulnérabilité du bâtiment. Dans le cas de travaux importants, l’objectif est d’obtenir l’équivalent de 60% de sécurité d’un bâtiment neuf.

Comment limiter le risque sismique ? Trois facteurs sont à prendre en considération : 

– L’aléa : probabilité de séisme sur une période donnée

– La vulnérabilité : sensibilité de l’ouvrage au séisme, comment l’entreprise peut être remise à niveau ?

– L’enjeu : quelle importance et quel prix sont accordés à cette entreprise/installation ?

Qu’en est-il de la vulnérabilité et de la conformité : on voit bien que tout repose sur la vulnérabilité, car même si en principe un bâtiment se comporte bien au vu de la règlementation, on note cependant :

– des limites de calcul : exemple, le séisme de Lorca en Espagne en juillet 2011, magnitude 5,1, les bâtiments ont subi une accélération réelle, 2 fois plus importante que celle donnée par les règles de calcul – ‘le séisme réel ne correspond que peu rarement au séisme réglementaire’, le fait d’être réglementaire n’est valable qu’à un instant donné.

– des limites des règles : La construction parasismique est une discipline récente et le recul encore limité.

– des limites de la règlementation : on vise seulement à protéger la sécurité des personnes impactées par la défaillance de l’ouvrage en cas de séisme, et non le fonctionnement et l’exploitation d’une entreprise (excepté pour les hôpitaux, centrales nucléaires, installations Seveso).

L’entreprise doit s’engager dans une démarche volontaire d’analyse de vulnérabilité de ses bâtiments afin d’assurer la continuité ou une remise en état rapide de son fonctionnement.

Comment évaluer la vulnérabilité des structures existantes ?

L’audit technique de patrimoine procède par 3 phases d’investigation. Dès la 1ère étape les informations collectées se révèlent parfois incomplètes, et on se trouvera alors face à beaucoup d’hypothèses dans l’analyse. La 2ème étape d’investigation sur site dépend de capacité d’analyse de l’intervenant (le dire d’experts). La dernière étape ‘analyse et avis’ soulève de nombreuses incertitudes : on remarque que l’incertitude porte sur le comportement global de l’ouvrage et la réalité de comportement. En résumé l’audit classique actuel se révèle peu fiable.

Comment peut-on améliorer la fiabilité de cet audit ? Une réponse est apportée par la méthodologie EVE, Evaluation de la Vulnérabilité des Existants, qui analyse le comportement dynamique des structures et qui permet de fiabiliser les audits de vulnérabilité en précisant leurs caractéristiques réelles et leurs niveaux d’endommagement. L’apport de EVE par rapport à un audit classique se situe au niveau des mesures qui vont apporter les informations manquantes et permettre in fine une mise en cohérence de toutes les informations disponibles.

En pratique, l’intervention sur les bâtiments est non pénalisante pour l’installation et ses occupants, et l’utilisation de capteurs tri-dimensionnels va permettre d’enregistrer la réponse du bâtiment étudié sous l’effet de mouvements très faibles (le bruit de fond ambiant).

On peut en tirer par exemple la cartographie de la réponse du sol, de l’interaction sol-structure, et une caractérisation rapide des planchers.

En conclusion, les règles parasismiques modernes s’avèrent efficaces. Cependant, elles ont pour but d’assurer principalement la sécurité des personnes ; l’enjeu économique des entreprises n’est pas pris en compte, pour ce faire il faudrait aller au-delà des exigences de la réglementation actuelle. La règlementation parasismique (PS) étant très récente en France, peu de bâtiments sont aux normes PS, et la nouvelle carte du zonage sismique français avec l’extension des zones à risque met encore plus en évidence cette réalité.

Mener une démarche d’analyse de vulnérabilité des bâtiments s’inscrit clairement dans une logique dynamique de gestion des risques.

http://www.planseisme.fr/  : informations et documents, en particulier un fichier excel listant toutes les communes de France avec indication de leur zone de sismicité

http://www.prim.net/  : portail des risques majeurs – liste des risques (naturels ou technologiques) pour chaque commune.

http://renass.u-strasbg.fr/ : activité sismique en France et dans le monde.

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