Petit-déjeuner du 7 septembre 2011 : « Carence de fournisseur et carence client »

article PdJ le 7 septembre 2011 Aucun Commentaire

Par Catherine-Antoinette Raimbault, ARM, Vice-Présidente du CARM

D’après l’intervention de Jean-Laurent Santoni, Directeur du Développement, GRAS SAVOYE RISK CONSULTING,
Petit-déjeuner du CARM – 7 septembre 2011

Le drame qui a frappé le Japon le 11 mars 2011 – séisme de très forte magnitude suivi d’un tsunami – laisse un pays profondément meurtri et qui doit faire face à une catastrophe nucléaire majeure. Plus de 21 000 victimes, bilan très provisoire, des villes entières dévastées, et au moins 250 à 300 milliards de dollars de dégâts. Voilà le froid constat que l’on peut faire à ce jour.

La catastrophe de  Fukushima’ est une accumulation d’évènements et une réaction en chaîne qui s’en est suivie difficilement maîtrisable. Les conséquences en sont multiples. Sur les plans économique et industriel, le séisme de force 9 et les tsunamis qui ont suivi ont d’ores et déjà provoqué des répliques.

L’économie japonaise, qui donnait déjà des signes de faiblesse à la fin 2010, pourrait, selon BNP Paribas, retomber dans la récession en 2011 avec un PIB en baisse de 1 %. L’impact des coupures d’électricité est estimé par la banque Nomura à une ponction de 0,29 % sur le PIB du Japon. Et la réplique du séisme sur le commerce maritime, si vital pour l’archipel, est de l’ordre de 10 milliards de dollars, chiffre là aussi provisoire. Plusieurs ports sont endommagés, ainsi que des terminaux vraquiers et conteneurs.

Les grands secteurs ne sont pas en reste : énergie (principale victime), matières premières, semi-conducteurs, luxe, automobile… Rares sont les industries à être épargnées. Les grands sites industriels souffrent de coupures d’électricité, de la désorganisation des chaînes logistiques et d’une pénurie relative de certains composants électroniques ou pièces détachées. En première ligne : les constructeurs automobiles, qui travaillent en flux tendus, mais également des industriels français installés sur place, comme Nexans, L’Oréal ou Schneider Electric.

 Quelles leçons faut-il retenir en matière d’assurances

La catastrophe du Japon nous a fait percevoir les limites des dispositifs d’assurance, tant de dommages que de responsabilité civile, qu’il s’agisse de risques liés à la supply chain ou de risques supposant de procéder à un retrait ou un rappel de produits sur le marché.

En assurance de dommages aux biens, la garantie carence de fournisseur est traitée comme une extension de la perte d’exploitation. Elle fonctionne lorsque la carence du fournisseur est liée à un événement qui a touché un établissement de ce dernier, qui n’a donc pas pu livrer correctement ou dans les temps son ou ses clients. Il faut, pour que cette garantie fonctionne, que l’événement ait un fait générateur ayant touché le fournisseur, d’une nature couverte par le contrat dommages aux biens de l’assuré. Lorsque le fait générateur qui a empêché le fournisseur de livrer son client ne relève pas de garanties de dommages aux biens, l’entreprise qui subit la perte d’exploitation peut demander à être dédommagée au titre de la RC de son fournisseur. Néanmoins, le séisme japonais du 11 mars dernier remplit toutes les conditions de la force majeure et du cas fortuit : extériorité, imprévisibilité et intensité. Dans cette hypothèse, l’article 1148 du code civil exonère le débiteur qui ne peut exécuter son obligation de tous dommages et intérêts.

Au regard de la problématique assurancielle, dans la mesure où cette extension de garantie est quasi systématiquement assortie de sous-limites largement inférieures à la limite de la garantie Pertes d’Exploitation (sous-limite pour les fournisseurs dénommés, les fournisseurs non dénommés, ou encore en matière de carence d’énergie) la question principale sera d’évaluer le SMP Pertes d’Exploitation possible dans le cadre d’une carence en identifiant le ou les fournisseurs indispensables à la continuité d’activités. A la suite des évènements japonais, les assureurs et les réassureurs pourront être particulièrement vigilants au suivi de leurs cumuls en carence de fournisseur à la suite d’un événement naturel, ce qui dans certains cas pourra limiter le volume de capacités accessibles.

 Leçons à retenir en matière de gestion des risques

La catastrophe de Fukushima nous a fait redécouvrir une réalité oubliée. Le Japon produit 20% de l’électronique mondiale et fournit 70% du marché mondial dans au moins 30 secteurs technologiques. Par ailleurs, le Japon est un importateur majeur dans certains domaines (notamment le luxe). En France électronique, chimie et automobile font partie des secteurs les plus touchés par les conséquences du désastre japonais

La gestion des risques en matière de carence de fournisseur et de carence client est donc essentielle. L’approche de la gestion de la supply chain se doit d’être holistique et non par raisonnement à risque unique, impliquant toutes les parties prenantes – supply chain externe amont (fournisseurs, sous-traitants), supply chain externe aval (clients/utilisateurs finaux) et supply chain interne de l’entreprise et prise en compte de leur environnement.

La complexification de la supply chain s’intensifie par l’imbrication et l’interdépendance grandissante des activités des entreprises et par une augmentation des risques. Risques économiques (défaillance d’un fournisseur, variabilité de la demande, augmentation des prix des matières premières   ), risques politiques (protectionnisme   ), risques naturels (séisme, inondation.   ), risques accidentels, etc …sont autant de menaces multiples et difficiles à anticiper qui pèsent sur la chaîne.

La gestion des risques de supply chain repose sur une démarche en 4 étapes itératives :

  • ANALYSE : Cartographier les interdépendances de la Supply Chain

– Carte des dépendances : identifier les dépendances clés de la chaîne d’approvisionnement
– Quantifier ces liens pour évaluer la propagation des risques

  • DIAGNOSTIC : Identifier et évaluer les vulnérabilités

-Identifier les fournisseurs clés et les acteurs internes critiques.
-Evaluer l’impact d’une interruption d’un élément critique de la chaîne : impact sur la marge, sur la réputation, matrice de criticité. Pour mesurer l’impact sur la marge il ne faut pas oublier qu’aux pertes dues à la baisse du chiffre d’affaires peuvent s’ajouter des pénalités dues à la non-conformité aux conditions contractuelles, au non respect des délais de livraison ….
-Evaluer la vulnérabilité propre des éléments critiques : analyse du risque de défaillance des fournisseurs les plus critiques (solidité financière, risques Cat Nat ….).

  • TRAITEMENT : Mettre en œuvre une politique de management de ces risques.

Mesures de prévention, fournisseurs alternatifs, transfert contractuel, assurance et intervention en amont sur les nouveaux projets.

  • SUIVI : Contrôler et suivre les risques.

Outre la mise en place d’un processus itératif d’analyse et de traitement et la mise en place des standards de contrôle, Il est impératif de faire évoluer la politique de gestion des risques de la supply chain pour suivre les évolutions stratégiques de l’entreprise.

De telles actions ne peuvent se concevoir sans la mise en œuvre d’un SIGR – Système d’information de gestion des risques – qui intègre une application de géo localisation et une capacité de calcul des cumuls, des interdépendances et des pertes de marchés clients dans la zone sinistrée ou susceptible de l’être.

La catastrophe de Fukushima illustre bien que dans un monde globalisé, au vu de la complexité de la supply chain et l’interdépendance des acteurs – qui la rendent de surcroît plus vulnérable aux risques – le management de la supply chain est devenu un levier stratégique pour toute entreprise et doit faire partie des priorités du top management.

Catherine-Antoinette Raimbault, ARM, Vice-Présidente du CARM,
Spécialiste en risques émergents et stratégie prospective, Eurekarisk

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